Le chantier naval de Dakar entre dans une nouvelle ère. Après des décennies de gestion par le groupe portugais Lisnave, la concession arrive à son terme, ouvrant la voie à une bataille économique et stratégique de haute intensité. Comme le révèle L’Observateur, le processus de reprise a connu hier un tournant décisif avec la clôture du dépôt des offres, marquant la fin d’une phase cruciale dans ce dossier aussi sensible que symbolique pour l’économie sénégalaise.

Une course à quatre devenue duel

Sur les quatre entreprises présélectionnées — Dakarnave (Lisnave, Portugal), Hat-San Shipyard (Turquie), Damen Shipyards (Pays-Bas) et Jobson Italia (Italie) — seules deux ont finalement déposé leurs offres : Damen Shipyards et Jobson Italia.
Selon une source proche du dossier citée par L’Observateur, « en principe, on devait avoir quatre offres. Dakarnave et Hat-San n’ont pas déposé leurs dossiers. Seuls Damen et Jobson Italia ont soumissionné. La commission va procéder à l’ouverture des plis et à l’évaluation technique des offres ».

Un désistement doublement surprenant, surtout pour Dakarnave, acteur historique qui gère le chantier depuis plus de 25 ans. Ce retrait sonne comme la fin d’un cycle, voire le début d’un repositionnement stratégique dans le paysage industriel sénégalais.

 Un processus sous haute surveillance

Ce nouvel appel d’offres s’inscrit dans la politique de transparence et de bonne gouvernance prônée par le président Bassirou Diomaye Faye. En Conseil des ministres du 29 octobre 2025, le chef de l’État avait donné des instructions claires : respect strict du Code des marchés publics et vigilance absolue sur les procédures.

Une volonté saluée par Pape Birama Diallo, responsable à l’UNSAS, qui confie à L’Observateur :

« Les exigences de transparence ont été clairement énoncées dans la lettre de la Direction générale de la SIM du 3 novembre. Cet acte symbolique a rétabli la confiance et apaisé le climat social au sein du chantier. »

Le processus, encadré par des organes de contrôle depuis ses débuts, a d’ailleurs connu plusieurs reports, preuve d’une rigueur administrative inédite dans la gestion de ce type de marché.

Des enjeux économiques et sociaux colossaux

Derrière ce bras de fer industriel se joue une bataille stratégique pour le contrôle d’un secteur clé de la maintenance navale au Sénégal.

Le secrétaire général du Syndicat autonome des travailleurs des chantiers navals (SAPNAV), Abbas Fall, en explique la portée :

« Vu la position géographique stratégique de Dakar, ce chantier attire naturellement de grandes entreprises. C’est un appel d’offres international qui suscite de fortes convoitises, ce qui est bon signe pour le pays. »

Mais derrière cet enthousiasme se cachent de vives inquiétudes sociales. Les travailleurs, encore marqués par l’épisode du contrat attribué à Ozata (Turquie) puis annulé par le nouveau gouvernement, redoutent un scénario similaire.

« Nous avons reçu des garanties écrites que les emplois et les acquis sociaux seront préservés, mais nous restons vigilants », prévient Abbas Fall dans L’Observateur.

Le syndicaliste rappelle que le chantier fait vivre près de 1 000 personnes — entre permanents, journaliers, prestataires et sous-traitants. « Si les engagements ne sont pas tenus, ce serait une catastrophe sociale », avertit-il.

 Un nouveau contrat pour un nouvel équilibre

L’un des points forts du nouveau cahier des charges, c’est la révision des termes financiers.
Selon L’Observateur, l’État du Sénégal, qui ne percevait qu’1 % du chiffre d’affaires annuel dans l’ancien contrat, ambitionne désormais de monter à 33 % de l’actionnariat conformément à la loi sur les Partenariats Public-Privé (PPP).

En 2024, le chantier avait déclaré un chiffre d’affaires de 19 milliards de F CFA, pour une redevance versée à l’État d’environ 250 millions F CFA. Un déséquilibre jugé « léonin » par les nouvelles autorités.
Ce réajustement, accompagné d’un programme d’investissements techniques et de réhabilitation des infrastructures, vise à transformer le chantier en un véritable pôle industriel régional capable d’attirer les flottes africaines et internationales.

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