
Aline Sitoé Diatta est née en 1920 à Nialou, un quartier de la commune de Kabrousse, en Casamance, une région du sud du Sénégal, à l’époque colonie française au sein de l’Afrique-Occidentale française.
Fille de Silisia Diatta et Assonelo Diatta, elle a été élevée par son oncle paternel Elaballin Diatta à la mort de son père.
Aline Sitoé Diatta, surnommée la « Jeanne d’Arc de la Casamance »ou « La Dame de Kabrousse » , occupe une place majeure dans l’histoire du Sénégal. Symbole de courage et de détermination, elle a incarnait la résistance des peuples africains face à la domination coloniale française au XXᵉ siècle.
Une héroine dans l’âme et dans les veines
Née en Basse-Casamance, Aline grandit au cœur des valeurs traditionnelles diolas. Issue d’une famille modeste, elle se nourrit très tôt de la culture spirituelle et communautaire de son peuple, où la terre, la solidarité et la foi occupent une place centrale. Pour gagner sa vie, elle se rend à Ziguinchor pour travailler comme docker. Mais à cause des conditions de vie éprouvantes, elle va quitter la Casamance pour Dakar, où elle sera femme de ménage chez un colon, régisseur des produits de base dans l’Afrique de l’Ouest
En 1941, elle aurait entendu des voix lui enjoignant de libérer son peuple de l’administration coloniale. On dit qu’elle ignora d’abord cette voix, qu’elle attribua au dieu des Diola, Emitaï, pendant quelques jours. Quatre jours plus tard, elle était paralysée ; d’autres sources affirment cependant qu’elle était paralysée depuis son enfance.
Elle est ensuite ramenée en Casamance, la paralysie cessa dès son arrivée . Elle fut élue reine de son village Kabrousse et était considérée comme une prophétesse par son peuple. On disait qu’elle avait des pouvoirs de guérison, et de nombreuses personnes se rendaient en pèlerinage auprès d’elle pour vivre un miracle.
Elle disait aussi être porteuse d’un message divin qui consistait en un retour aux sources. Ainsi, ordonna des sacrifices, de nouvelles formes de prières, une nouvelle religion traditionnelle. Lorsque les autorités françaises ont confisqué la moitié de la récolte de riz de la région à cause de la guerre, Aline Sitoé Diatta et d’autres femmes ont lancé une campagne : elles ont appelé la population à refuser de coopérer avec les Français, à cesser de payer les impôts, à rejeter la demande de cultiver des arachides au lieu du riz et à refuser d’être enrôlées dans l’armée française l’entraînant dans un mouvement de désobéissance civile. Elle a également réclamé de meilleures conditions de travail et le droit de pratiquer sa religion. En conséquence, des soulèvements ont éclaté. À cette époque, le Sénégal était sous le régime de Vichy.
L’arrestation et la déportation
En 1943, le pouvoir français était fragilisé par son effondrement militaire du début de la Seconde Guerre mondiale et cette région de la Basse Casamance était réputée réfractaire à toute forme d’autorité autre que la tradition clanique. Considérée comme dangereuse par l’administration coloniale française, les forces armées ont alors mené plusieurs tentatives d’assassinat contre Aline, et le 8 mai 1943, elle est arrêtée avec 17 hommes qui, comme elle, sont condamnés à de lourdes peines. Onze d’entre eux sont morts au cours de la première année de leur incarcération.
Elle fut ensuite jugée, puis alla d’une prison à l’autre au Sénégal et en Gambie et fut finalement déportée à Tombouctou, au Mali.
Un héritage vivant
Aline Sitoé Diatta décède prématurément en 1944, à l’âge d’environ 24 ans. Sa disparition tragique n’a pas effacé son héritage. Aujourd’hui encore, son nom reste gravé dans la mémoire collective du Sénégal : une université, un stade, des places publiques et des établissements scolaires portent son nom. Elle inspire les luttes pour la justice, l’égalité et la souveraineté.
Aline Sitoé Diatta est bien plus qu’une héroïne régionale : elle est une figure nationale et africaine de résistance. Son combat pour la dignité, la liberté et l’autodétermination résonne encore aujourd’hui, rappelant aux générations présentes et futures l’importance de défendre ses valeurs et son identité.