
Mahmadane Sarr, propriétaire de Lansar Automobile, a été extrait de sa cellule à la prison de Rebeuss pour être auditionné à la Division des investigations criminelles (DIC). Cette audition s’inscrit dans le cadre d’une enquête sur ses liens d »affaire avec Amadou Macky Sall, le fils de l’ancien Président, et son implication dans le scandale des 5,557 milliards de francs CFA révélé par la Centif (Cellule nationale de Traitement des Informations financières).
L’enquête porte sur des transactions suspectes et des factures de location de voitures de luxe émises à l’État du Sénégal. Parmi elles, une facture d’un montant de 13 610 088 725 FCFA a attiré l’attention. Ces opérations financières douteuses, mises au jour par la DIC, sont considérées comme le fil conducteur d’un réseau aux ramifications potentiellement « explosives ».
Selon le journal L’Observateur, Mahmadane Sarr, aussi connu sous le nom de Dane Sarr, facturait en moyenne plus de deux milliards de FCFA par an au régime précédent, entre 2020 et 2023, pour la mise à disposition de véhicules de prestige.
Ces véhicules, tels que des Mercedes Maybach, Toyota, BMW ou Nissan Patrol, étaient souvent utilisés pour le transport d’autorités lors de campagnes électorales ou de missions officielles. Quelques mois avant la fin du mandat de l’ancien président, Sarr aurait encaissé un virement de plusieurs milliards de FCFA sur instruction du ministre des Finances de l’époque, ajoutant ainsi une nouvelle pièce au puzzle que la justice tente de reconstituer.
La « dette cachée » et les certificats nominatifs d’obligation
Un aspect encore plus préoccupant de cette affaire est un référé de la Cour des comptes, transmis au ministre de la Justice en avril dernier. Ce document, qui a conduit la DIC à ouvrir une enquête sur la fameuse « dette cachée », place Mahmadane Sarr au cœur du scandale présumé des Certificats nominatifs d’obligation (CNO), attribués à des personnes morales et à des tiers. Ces titres, dont le suivi a été négligé par les services du ministère des Finances et du Budget sous l’ancien régime, comprennent quatre certificats émis au nom de Lansar Auto. Une première zone d’ombre réside dans la date d’émission : le 29 mars 2024, soit cinq jours après la fin du mandat du président Macky Sall, alors que l’administration était en période de transition.
Le montant global de ces titres, 16,57 milliards de FCFA, est la source des interrogations les plus vives, car cette somme est bien supérieure aux 13 610 088 725 FCFA mentionnés dans le rapport de la Centif. Ce rapport avait conduit le Parquet à requérir l’ouverture d’une information judiciaire pour « association de malfaiteurs, faux et usage de faux en écritures publiques, escroquerie, détournement de deniers publics et blanchiment de capitaux ».
Pour justifier le versement de ces 16,57 milliards, Mahmadane Sarr aurait affirmé qu’il s’agissait du règlement de factures liées à la location de véhicules pour les services de l’État, utilisés lors d’événements nationaux. Cependant, aucune précision n’a été apportée sur la nature exacte de ces événements ou sur les autorités transportées. Il est également indiqué dans les documents que ces véhicules étaient destinés au transport d’invités d’État entre 2020 et 2023.
Fils de Mbaye Sarr, PDG de Senecartours, Mahmadane Sarr est le propriétaire de Lansar Automobile, une société spécialisée dans la location de véhicules de luxe. Il a été placé sous mandat de dépôt sur ordre du Parquet financier. Mahmadane Sarr est l’un des derniers protagonistes à être entendu parmi les sept personnes visées par le rapport complémentaire de la Centif, avant l’audition du chanteur Wally Seck.
Ce document met en lumière un réseau d’entreprises et d’individus mis en place pour dissimuler l’origine de fonds issus de transactions suspectes. Ces fonds provenaient de virements ou de chèques émanant du Trésor public sans justification économique solide. Ces révélations ont conduit le Parquet financier à déposer un réquisitoire supplémentaire en vue de poursuivre les personnes physiques et morales liées à Amadou Macky Sall pour « association de malfaiteurs et blanchiment de capitaux en bande criminelle organisée ».